30 Janvier 2014
Si l’on consulte l’étymologie latine du mot média , on apprend qu’il s’agit d’une réduction de l’expression mass media, media étant le pluriel de medium, qui signifie « être au milieu », « être au centre ». De cette étymologie, on peut donc comprendre que la première vocation de tous les services, de toutes les activités et des divers appareils que l’on regroupe sous l’appellation de media est d’être au milieu, tel un inter « média »ire. Mais alors au milieu de quoi ? Quelles instances les médias réunissent-ils ? Au coeur de quelle relation opèrent-ils ?
On peut affirmer qu’ils jouent un rôle de relais entre une première instance, le public, ou les citoyens, et diverses manifestations du réel, ainsi que divers groupes d’autorité : les médias nous font connaître certains événements jugés dignes d’être connus et renseignés, mais aussi les agissements de pouvoirs organisés supposés avoir une influence sur le réel et la marche collective des choses. Une telle conception suppose une certaine liberté et une forme d’indépendance, chez chacune des instances concernées, et notamment la première, le public qui intercepte l’activité des médias : ces derniers lui proposent un contenu, qu’il est libre de recevoir, qu’il juge et interprète en conscience, façonnant son existence et ses idées indépendamment des informations et notions perçues dans les médias.
Puis les développements technologiques ont provoqué la multiplication des services liés aux médias, ceux-ci devenant omniprésents, et les citoyens disposant d’une accessibilité instantanée et quotidienne aux médias. Dans cette situation, l’idée du "relais » ne suffit plus du tout à rendre compte de leur activité. Le relais s’est fait écran, et celui-ci, de nature audiovisuelle, imprègne bien davantage l’attention et la conscience des citoyens-spectateurs-auditeurs. Les médias mettent en place à cette étape de leur évolution une série de dispositifs sensoriels qui diminuent considérablement la capacité de recul, de réflexion, et de compréhension réelle des faits : succession d’informations de toutes sortes, confondues et sans distinction de nature, d’objet et d’origine ; sollicitation des plaisirs et intérêts par les fréquentes publicités ; élaboration de repères auditifs avec les jingles ; éparpillement de motifs graphiques qui captent l’attention et distraient...
L’écran ne se contente plus de projeter des images, il est devenu pensée, sensation et humeur à part entière, substitut pervers et amorphe de l'intelligence et du jugement. Tel est le dernier stade de la « révolution médiatique », le point d’achèvement de l’activité des médias : reconnaissons que nous en sommes là aujourd’hui, et que la relation libre que le mot signifiait d’abord n’est plus guère perceptible.