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Chroniques et considérations d'un témoin de son temps.

Pour l'école

Il est une chose qui ne peut manquer de frapper lorsqu’on lit les essais consacrés à l’école de Marcel Gauchet, Dominique Ottavi et Marie-Claude Blais : c’est le caractère posé et neutre de l’analyse  d’un phénomène,  à savoir la crise de l’école, qui ne manque jamais de susciter tensions et crispations chez tous ceux que cette  cause interpelle et questionne.

C’est à nouveau le cas dans leur dernier ouvrage : Transmettre, apprendre. Le titre, énonçant sobrement deux activités fondamentales des sociétés humaines, dit dans sa brièveté et son détachement tout l’effort des auteurs pour comprendre, simplement comprendre, les mutations et difficultés que traverse l’institution scolaire aujourd’hui. Comprendre, pour mieux agir ;  à savoir changer ce qui doit l’être, préserver ce qui doit être préservé.

Les auteurs commencent en examinant les deux tendances philosophiques qui s’opposent depuis des décennies aussi bien dans les débats sur l’école que dans les réformes mises en oeuvre en son sein. D’un côté, la philosophie de la transmission, qui postule l’ignorance de l’élève et la nécessité d’un maître pour lui inculquer les connaissances requises ; de l’autre, les théories de l’apprentissage, qui considèrent que l’élève doit construire lui-même ses savoirs, et que tout dispositif pédagogique doit partir de sa personnalité et dispositions individuelles. Constatant la victoire de cette dernière approche, les auteurs en notent aussitôt les limites et les failles, aisément perceptibles aujourd’hui.

On ne peut se passer de transmission. Pour eux, la chose est claire. Ils réhabilitent ainsi la dimension profondément humaine que tout enseignement ne peut manquer de revêtir : celui-ci ne peut se passer de passeurs avisés, d’une incarnation des savoirs en la personne d’un maître, lequel guide l’enfant dans sa découverte d’une discipline particulière.

Face au désir d’autonomie absolue et de libre investissement des connaissances qu’Internet provoque, face aux promesses de connaissance immédiate que la Toile nous fait, les auteurs démontrent le caractère indispensable d’une médiation, d’un guide, qui jalonne et délimite les champs de la connaissance, qui apprend à connaître bien et intelligemment.

Contre le dogme de l’efficacité et de l’immédiateté qui conditionne le regard porté désormais sur l’école, laquelle serait devenue désuète et inutile avec ses vieilles méthodes et ses savoirs traditionnels, ils revalorisent l’attente, la patience, la lenteur, l’effort et la répétition, qualités requises dans toute instruction digne de ce nom.

Une école qui serait parfaitement poreuse aux réalités, pratiques et réflexes de son temps n’aurait plus aucune raison d’être, et les trois auteurs finissent leur réflexion en mettant en évidence la profonde nécessité, dans toute société, d’une institution placée délibérément en marge des contingences du moment, des habitudes du milieu et de l’ « actualité ».

C’est là sans doute le beau tour de force de cet ouvrage, qui, de l’examen objectif des remises en question violentes dont l’école est victime, fait finalement ressortir de façon limpide le caractère profondément irremplaçable et indispensable de cette dernière. Il nous faut en prendre conscience pour mieux définir la place et le rôle qui seront les siens dans les temps à venir. Le chantier s’annonce vaste et difficile, mais c’est riches de cette conviction que nous devons l’engager :

 

« Tout est à repenser, tout est à faire en ce domaine. Nous voudrions avoir contribué à le mettre en évidence. Le XXIème siècle devrait être celui d’un nouvel élan né du dépassement des unilatéralismes du passé »

Pour l'école
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E
Merci pour cette synthèse très claire du livre de Gauchet!
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